Ces aberrations ont beaucoup servi aux négationnistes, qui en ont tiré l’essentiel de leurs affabulations.
L’exemple du crématoire 1, le seul d’Auschwitz I, est significatif.
Dans sa morgue fut installée la première chambre à gaz.
Elle fonctionna peu de temps, au début de 1942 : l’isolement de la zone, qu’impliquaient les gazages, perturbait l’activité du camp.
Il fut donc décidé, à la fin d’avril 1942, de transférer ces gazages mortels à Birkenau, où ils furent pratiqués, sur des victimes essentiellement juives, à une échelle industrielle.
Le crématoire I fut, par la suite, transformé en abri antiaérien, avec salle d’opération.
En 1948, lors de la création du musée, le crématoire I fut reconstitué dans un état d’origine supposé.
Tout y est faux: les dimensions de la chambre à gaz, l’emplacement des portes, les ouvertures pour le versement du Zyklon B, les fours, rebâtis selon les souvenirs de quelques survivants, la hauteur de la cheminée.
A la fin des années 70, Robert Faurisson exploita d’autant mieux ces falsifications que les responsables du musée rechignaient alors à les reconnaître.
Un négationniste américain vient de tourner un film vidéo dans la chambre à gaz (toujours présentée comme authentique): on l’y voit interpeller les visiteurs avec ses “révélations”.
Jean-Claude Pressac, l’un des premiers à établir exactement l’histoire de cette chambre à gaz et de ses modifications pendant et après la guerre, propose de la restaurer dans son état de 1942, en se fondant sur des plans allemands qu’il vient de retrouver dans les archives soviétiques.
D’autres, comme Théo Klein, préfèrent la laisser en l’état, mais en expliquant au public le travestissement: “l’Histoire est ce qu’elle est; il suffit de la dire, même lorsqu’elle n’est pas simple, plutôt que de rajouter de l’artifice à l’artifice.” Krystyna Oleksy, dont le bureau directorial, qui occupe l’ancien hôpital des SS, donne directement sur le crématoire I, ne s’y résout pas: “Pour l’instant, on la laisse en l’état et on ne précise rien au visiteur.
C’est trop compliqué.
On verra plus tard.” “Comment décider lorsque le clivage des propositions est extrême ? Et qu’elles sont toutes légitimes et de bonne foi? Dans ces matières, un quasi-consensus est nécessaire.
Lorsqu’il n’existe pas, mieux vaut ne pas prendre de décision.
Il faut attendre et continuer à discuter”, estime Stefan Wilkanowicz, qui, au cours de ses longues années dans l’opposition, a appris la patience.
Cela explique le peu de choix concrets.
Outre le changement de la plaque commémorative de Birkenau et la rigueur nouvelle dans les restaurations, la seule orientation déjà perceptible est l’accent mis sur Birkenau, qui acquiert progressivement le statut sacré de cimetière.
Depuis quelques semaines, des panneaux dressés aux endroits importants exposent des photos d’époque permettant aux visiteurs de comprendre ce qui se passait là.
L’opération est financée par le gouvernement allemand (400.000 marks).
Une fois surmonté le débat moral sur le fait que les seules photos existantes furent prises par des SS, il fut décidé d’installer chaque cliché sur un bloc de granite noir.